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 Eugenia Lancaster

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Eugenia Lancaster
Eugenia Lancaster
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MessageSujet: Eugenia Lancaster   Eugenia Lancaster EmptyLun 29 Juil - 18:53

Eugenia Berenice
Lancaster
ft. phoebe tonkin
sang-mêlée
vingt-quatre ans
célibataire à roulettes
hétérosexuelle
étudiante en première année d'enseignement magique, parcours recherches
un colibri
pro-ordre
dark dreams (avatar)

À propos
Nom: Laskaris (Λάσκαρις), nom grec qu'elle a hérité de sa mère. Pour diverses raisons, elle a fait le choix de l'adapter en Lancaster lorsqu'elle est revenue vivre au Royaume-Uni avec ses filles. Elle ne sait pas comment s'appelait son père, même si elle a toujours désiré en savoir plus sur lui. Sur lui, ce fantôme de son existence. Sur lui, la chimère, l'ombre de toute une vie. Prénom: Eugenia Berenice (Ευγενια Βερενίκη), deux prénoms grecs. L'un signifie martyr, l'autre porteuse de victoire. Une antithèse. Un oxymore. Parfois, Eugenia a l'impression que cela résume parfaitement ce qu'elle est. Néanmoins, tout le monde l'appelle Ginny. Âge et Date de Naissance: Ginny est âge de vingt-quatre ans. Elle a vu le jour le 17 octobre 1959, à Santorin en Grèce, juste après sa sœur jumelle, Scarlet. Nature du sang: Sang-mêlée. Sa mère l'est ; ne connaissant pas son père, elle n'a aucune idée de sa nature de sang à lui. Cependant, cela lui importe guère. Eugenia est persuadée que la magie va bien au-delà de simples histoires de généalogie. Situation familiale: Ginny a une soeur jumelle. Cette soeur jumelle qu'elle aime de tout son coeur, cette soeur jumelle pour qui elle serait capable de pardonner toutes les erreurs. Miroir du Rised: Elle, debout. Elle, tout simplement debout. Epouvantard: Sa soeur dans son fauteuil, elle à côté. Eugenia ne supporte pas l'idée que leurs rôles auraient pu être inversés. Selon elle, c'est à elle de porter ce fardeau. Composition de la baguette magique: Sa baguette mesure vingt-sept centimètres et est en bois de sureau. Elle contient en son coeur une plume de phénix. Etudes Suivies: Ginny est en première année de recherches (enseignement magique), spécialisée dans la magie native. Animal de compagnie: Aucun.

Caractère
Eugenia est une personne à la fois introvertie, renfermée et plutôt solitaire. Les amis qu’elle a peuvent se compter sur les doigts d’une main ; ce n’est pas parce qu’elle a une profonde aversion envers l’espèce humaine mais plutôt parce qu’elle est persuadée de ne pas être à la hauteur pour les autres. De ne pas suffire. De ne pas être assez bien. Elle est très altruiste et dévouée une fois qu'on la connaît, capable de tout pour les personnes qu’elle porte dans son coeur.
Mais, ce que l’on remarque, surtout, est que Ginny vit dans la retenue. Dans la retenue constante. Dans la retenue d’elle, dans la retenue de ses gestes, dans la retenue de ses sentiments. Quelque part, cela était comme si elle ne s’assumait pas ; comme si elle n’assumait pas son coeur, comme si elle n’assumait pas sa personnalité, comme si elle n’assumait pas d’être ce qu’elle était. Lorsqu’on la voit, c'est surtout sa douceur que l'on remarque, couplée à son humour discret.
Néanmoins, elle n'en demeure pas moins tenace et déterminée, peut-être même inspirante pour certains. Dans la retenue, peut-être. Il n’empêche qu’elle est capable d’accomplir de grandes choses et se tient aux objectifs qu’elle se fixe avec une rigueur sans égal. Elle se livre à des combats silencieux. Elle ne fait pas de vague mais chaque jour est une nouvelle bataille et elle s’acharne à vouloir gagner la guerre. Guerrière muette. Combattante acharnée.
Eugenia est une personne de perspicace et très observatrice, mais aussi curieuse à l’extrême. Elle remarque tout, elle voit tout et, surtout, elle sait tout. Si bien qu'une fois qu'elle a une chose en tête, son perfectionnisme fait qu'elle est difficile à arrêter. Elle fonce, oui. Elle défend ses convictions comme s’il s’agissait des seules choses qu’elle possédait. Des seules choses qu’elle pouvait défendre. On peut considérer qu'elle est insolente à ses heures, très sarcastique sans la moindre hésitation, mais cela n'est qu'une combinaison de son côté cérébral et son côté créatif.

Patronus
Il s’appelle Wakinyan, qui est le Lakota pour l’oiseau du tonnerre. Il est un colibri qui est apparu à ses côtés à la suite de son accident. Il s’auto-proclame native, mais Eugenia s’est appliqué à plusieurs reprises de lui expliquer qu’étant intimement relié à elle, il ne venait pas d’Amérique du Nord mais de Grèce. Il dit qu’il comprend mais elle sait qu’il n’est pas entièrement convaincu. Il ne sait pas voler, il ne sait pas marcher. Il reste sur son épaule et parle, parle sans cesse d’un ton espiègle dans son esprit. Il chante, également. Il passe son temps à chanter avec ces petits cris fluets.
Ce n’est pas celui qu’elle a toujours eu, non. Avant, elle avait un loup. Un grand loup blanc qui marchait derrière elle, le dos vouté. Un loup solitaire et désabusé, qui passait son temps entier à ruminer, qui passait son temps entier à se lamenter. Un loup qui s’appelait Ezra. Mais c’est un loup qui n’est plus, qui a disparu ; elle ne l’a plus jamais revu depuis que sa vie a volé en éclat.
Elle suppose qu’il est décédé. Qu’il est mort lors de l’impact.
Elle a fait son deuil, maintenant.
Eugenia se souvient encore du jour où elle a rencontré Wakinyan ; elle venait de passer quatre jours dans un sommeil artificiel, le temps que les Magicomages s’occupent d’elle. Lorsqu’elle avait enfin ouvert les yeux, elle n’avait pas vu sa mère et sa sœur qui attendaient à son chevet, non. Elle avait vu ce colibri qui sautillait joyeusement autour d’elle, lui donnant des petits coups de bec sur la main, comme s’il voulait qu’elle émerge plus vite de son brouillard. Il avait piaillé de toutes ses forces pour m’accueillir dans le monde des vivants. « Eh bien, il était temps ! J’ai eu l’impression d’attendre mille ans avant d’enfin faire ta connaissance ! Moi c’est Wakinyan. Tu peux le dire à ta sœur ? Parce que pour l’instant elle m’appelle le sale piaf. J’aime pas quand elle m’appelle le sale piaf. C’est un peu méchant. Elle est méchante ? ». Et, depuis, il n’était jamais parti. Et il continuait de poser autant de questions.
En revanche, il arrivait encore à Scarlet de l’appeler le sale piaf.
Eugenia ne pouvait pas totalement lui en vouloir. Wakinyan était un sale piaf, parfois.
Parfois, elle ressentait du soulagement. Le soulagement qu’il ait remplacé Ezra. Le soulagement que sa joie de vivre apporte des éclats de lumière dans son existence. Puis, à chaque fois, elle s’en voulait. Elle s’en voulait d’être soulagée de la disparition de son ancien patronus alors qu’il n’avait jamais été méchant avec elle.
Eugenia est immunisée face à la Peste des Patronus : voir la sœur la subir lui a brisé le cœur, cependant. Elle n’a donc pas pris l’antidote. Si, lorsqu’Ezra était son compagnon, elle était outrée par l’inconscience du Ministère d’avoir provoqué un tel phénomène, elle en est devenue reconnaissante. Après tout, Wakinyan est devenu si indispensable à son quotidien.
Pseudo et âge: which witch, vingt-quatre ans comme Ginny gérardrpz Où as-tu trouvé le forum ? on m'a forcée à venir gérardrpz Personnage: inventée avec mon cerveau et celui de Laura gérardrpz As-tu un autre compte sur BP ? sans commentaire gérardrpz Présence: c'est compliqué gérardrpz Une remarque ? gérardrpz gérardrpz gérardrpz (Daengelo)
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https://brokensouls.forumactif.com
Eugenia Lancaster
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MessageSujet: Re: Eugenia Lancaster   Eugenia Lancaster EmptyLun 29 Juil - 18:53

santorin, grèce, 1959-1964
take me back to the beginning of this tale,
when the night used to shine brighter than the day,
and the stars used to dance across the twilight sky.

On nait, on vit, on meurt. On appelle ça le cycle de la vie. Tout le monde finit par s’y faire—du moins, la plupart du monde. On nait, on vit, on meurt. Cela parait si simple, dit comme cela. La vérité, c’est que l’existence humaine est des plus banales. Du moins, pour la plupart du monde.
On nait, on vit, on meurt.
Je suis née. J’ai vécu. J’ai failli mourir.
On nait, on vit, on meurt.
Dans mon cas, j’ai plutôt l’impression que cela se décline autrement. On nait, on survit, on meurt.
Je ne suis pas née seule, non. J’ai vu le jour avec ma soeur, Scarlet, un certain jour d’octobre, en 1959. Nous sommes nées à deux à Santorin, en Grèce, le pays natal de notre famille maternelle. Je suis née d’une mère trop jeune—du moins, d’après la plupart du monde. Mais je n’ai jamais fait partie de la plupart du monde. Je ne l’ai jamais trouvé trop jeune. Comme si être jeune était le pire des défauts. Bien au contraire. J’ai adoré avoir cette maman pleine de vie, cette maman encore émerveillée par son existence. J’ai adoré être un trio avec ma sœur et elle, comme si nous étions invincibles, comme si nous étions inséparables. Je n’ai même pas eu peur lorsqu’elle a décidé de s’en aller de Grèce. Je n’ai même pas eu peur lorsque nous nous sommes retrouvées que toutes les trois dans un minuscule appartement à Londres—du moins, d’après la plupart du monde. Mais je n’ai jamais fait partie de la plupart du monde. Je n’ai jamais trouvé notre appartement à Londres minuscule. Comme si le fait d’être minuscule le rendait peu accueillant. Bien au contraire. J’ai adoré cet appartement, bien plus que la grande maison de nos grands-parents en Grèce ; c’était notre terrain de jeu préféré avec Scarlet. C’était l’endroit où j’avais le plus partagé avec elle. L’endroit où nous avions été comme les deux doigts d’une main.
Je suis née. J’ai vécu les plus belles années de ma vie lorsque j’étais enfant.
Avec le recul, je n’étais pas aussi renfermée, je n’étais pas aussi silencieuse. J’étais une petite fille timide et rêveuse mais incroyablement ouverte au monde. Je courrais après les papillons, je dévalais les immenses escaliers de pierres de Santorin avec Scarlet. Nous nous inventions des mondes imaginaires, nous n’avions même pas besoin de mots pour communiquer. C’était normal que deux sœurs jumelles soient aussi proches—du moins, d’après la plupart du monde. Mais je n’ai jamais fait partie de la plupart du monde. J’avais une sœur jumelle, moi, pas eux. Ils ne pouvaient pas comprendre à quel point le lien que nous partagions avec Scarlet était fort. Ils ne pouvaient pas comprendre qu’elle était à la fois ma meilleure amie, ma moitié, ma confidente, ma partenaire de jeu et de bêtises. Ils ne pouvaient pas comprendre qu’elle me suffisait, qu’à nous deux nous étions infaillibles.
Ils ne pouvaient pas comprendre, non.
Alors, lorsque nous avions quitté mes grands-parents, lorsque nous étions parties en Angleterre, avec notre mère trop jeune pour vivre dans un appartement minuscule, je n’avais pas eu peur.
Parce que nous étions toutes les trois.
On nait, on vit, on meurt.
Je suis née, j’ai vécu, j’ai survécu.
Tout paraissait si simple, à l’époque.

londres, angleterre, 1964-1971
call yourself a shadow, and call me a star.
i’ll still find stardust on your lips,
as you find darkness seeping out of mine.

Je fronçai les sourcils en penchant la tête sur le côté. Je plissai tellement les yeux que j’en voyais flou. Je n’étais pas bien sûr de comprendre à quoi servait l’engin face à moi—une sorte de gros pavé métallique que j’avais entendu mon beau-père appeler « réfrigérateur » à plusieurs reprises—qui était censé garder les aliments « au frais ». Je voulais bien croire qu’il servait à cela. Je voulais bien croire que ça fonctionnait. Oui, bien entendu. Mais, ce qui me perturbait le plus, était le fil qui le reliait au mur.
Cela n’avait strictement aucun sens. « Qu’est-ce qui nous prouve qu’il ne va pas exploser ? Cette technologie moldue me paraît peu fiable. » J’avais toujours employé un vocabulaire que les enfants de mon âge ne connaissait pas, un vocabulaire qui n’était pas forcément approprié à mon âge. Cela était probablement parce que « je passais ma vie le nez dans les livres », d’après ma mère. J’avais une vision différente des faits, bien entendu. D’après moi, c’était que les enfants de mon âge ne prenaient tout simplement pas la peine de retenir le vocabulaire qu’on leur mettait à disposition. « Ce n’est pas parce que c’est moldu que ça ne fonctionne pas, Ginny. Cesse d’être désobligeante. » Je levai les yeux vers ma mère avant de pousser un profond soupir. « Je ne dis pas ça parce que c’est moldu, maman. Je dis ça parce qu’il y a un fil qui le relie au mur et cela n’a strictement aucun sens, » lui répondis-je, prenant ce ton dramatique que j’affectionnais tant. « Que je sache, pour que les aliments restent froid, on a pas besoin de mettre un fil dans le mur, nous. » Elle haussa les épaules, un petit sourire flottant sur ses lèvres. Ce n’était pas la première fois que nous avions cette conversation. Je lui avais tenu à peu près le même discours pour tous les nouveaux appareils que j’avais rencontré. Le micro-onde. La télévision. « Nous, non. Mais les moldus, eux, si. » Autant dire que je n’étais pas satisfaite avec sa réponse, non. Au fond, je le savais : ma mère n’en savait pas plus que moi sur les « réfrigérateurs ». Mais elle acceptait. Elle acceptait les habitudes étranges des moldus. Elle acceptait d’appartenir à un monde totalement différent. Elle s’en accoutumait, même. Si j’avais été plus âgée, j’aurais compris que ma mère était tout simplement amoureuse et que, lorsqu’on était amoureux, on se fichait bien de tout et du reste. Mais j’avais huit ans et, à huit ans, je n’en avais strictement rien à faire de l’amour.
Non. Tout ce qui m’intéressait était les faits. Tout ce qui m’intéressait était de comprendre.
J’avais eu une très grande discussion avec mon beau-père moldu, ce soir là. Il avait eu la patiente de m’expliquer de quarante façons différentes le fonctionnement d’un « réfrigérateur ». Il en avait fait de même avec la « télévision » et le « micro-onde » deux semaines auparavant. S’il n’était pas mon père, j’avais toujours eu beaucoup d’affection pour lui. Après tout, il savait à quoi servait un « réfrigérateur » et comment il fonctionnait. Après tout, ma maman souriait quand elle le regardait et, même si je trouvais cela dégoûtant quand ils s’embrassaient, c’était agréable de voir maman sourire. C’était agréable de la voir heureuse.
La semaine suivante, je constatais que les radios des moldus étaient également reliées au mur. Et ce fut à partir de ce moment-là que je compris qu’il était possible que les murs moldus soient un peu magiques.
···
Nous avions hérité d’un grand demi-frère, Bartholomew, et d’une petite demi-sœur, Cecelia, par notre beau-père que notre mère avait rencontré quelques temps après notre arrivée en Angleterre. Nous n’avions plus été seulement « toutes les trois », nous avions quitté notre petite bulle. Cependant, malgré cela, notre mère s’était appliquée à nous consacrer du temps exclusif, à Scarlet et à moi. Nous avions passé de longs après-midis à faire de la bicyclette dans les environs de Londres, à nous goinfrer de glaces et à parler grec. Nous avions passé des soirées entières à jouer à des jeux de société dans notre chambre, comme lorsque nous avions vécu dans notre minuscule appartement. Nous avions visité Pré-au-Lard avec elle un samedi, et elle avait accepté de nous acheter à chacune deux Chocogrenouilles—j’avais d’ailleurs fini par manger celles de Scarlet parce qu’elle n’avait voulu que les cartes à collectionner—et elle nous avait également montré la Cabane Hurlante. Cela avait été différent, oui. Cela n’avait pas été pareil. Mais j’avais affectionné ces années-là autant que les autres, parce que je m’étais sentie en sécurité.
Je m’étais sentie à ma place. Malgré mes lunettes, malgré mes questions trop pointues, malgré mon vocabulaire trop soutenu.
Je m’étais sentie à ma place, oui. A ma place et aimée telle que j’étais.
···
« Scar, j’ai peur. » murmurai-je. J’étais venue me faufiler dans son lit, le ventre noué, l’estomac en vrac, les lèvres en sang à cause de l’anxiété. Nous étions le 31 août 1971, dans la nuit ; le lendemain, nous nous apprêtions à prendre le Poudlard Express pour la première fois. J’avais peur, oui. Peur de ce qui allait se passer, peur de partir, peur de quitter ma mère. J’avais toujours répété qu’il me tardait d’aller à Poudlard mais, maintenant que l’échéance était si proche, je me sentais comme démunie. J’avais envie d’apprendre, j’avais envie d’en savoir plus, j’avais envie de découvrir le château. Mais je savais que cela ne serait pas si simple. « Pourquoi est-ce que tu as peur ? » Sa question me paraissait tellement vaste. Si vaste que quelques mots ne pouvaient pas me suffire. Si vaste que les mots ne pouvaient pas me suffire. Je glissai mes doigts entre les siens et les serrai, fort, si fort. Mon cœur battait étrangement dans ma poitrine. « Ca va bien se passer. Puis, on est ensemble. » On est ensemble. Oui, nous l’étions. Demain, nous nous allions nous asseoir l’une à côté de l’autre dans le train. Mais, pour ce qui était de la suite, j’en doutais.
Je connaissais les quatre maisons de Poudlard. J’avais lu tout ce que j’avais pu pour en savoir plus sur elles. Notre mère avait été à Poufsouffle, les justes, les loyaux. Je ne pensais pas être assez bien pour aller chez eux.
Je connaissais les quatre maisons de Poudlard. Et c’était justement cela qui me faisait peur. Nous étions différentes, Scarlet et moi. Trop différentes pour être ensemble comme Scarlet pouvait bien le dire. « Mais si on est pas réparties dans la même maison, qu’est-ce qu’on fera ? On ne sera pas forcément ensemble. » Je sentis Scarlet réfléchir à côté de moi. Sa main serait la mienne avec assurance. « Peu importe. Une maison peut pas nous séparer. On sera ensemble les autres moments de la journée. » Je poussai un petit soupir. J’étais soulagée, mais pas entièrement. « Tu me le promets ? » Sa réponse ne se fit pas attendre. « Bien sûr que je te le promets. »
Nous étions ensemble.

poudlard, écosse, 1971-1979
tragedy is sewn into your soul, darling,
no matter how bright your halo glows,
you will always, eventually, fall.

J’observai ma sœur depuis la table où je venais d’être répartie. J’étais assise au bord du banc, comme si je m’apprêtais à bondir d’un moment à l’autre. Comme si je m’apprêtais à sauter de joie. Comme si je m’apprêtais à fuir. Fuir. Fuir. Fuir. Puis, finalement, on l’appela. Lancaster, Scarlet. Je fronçai les sourcils, mon cœur battant la chamade. Au fond de moi, je connaissais déjà la réponse. Au fond de moi, je savais déjà ce qui allait en être. Au fond de moi, j’avais conscience du monde entier qui nous séparait. Au fond de moi, je savais que nous étions comme la lune et le soleil, comme le jour et la nuit.
Elle avait toujours brillé beaucoup plus que moi. Cela n’avait jamais été un problème. Au contraire, je m’étais toujours délecté de la lumière qui l’habitait, malgré nos différences.
Elle était ma meilleure amie. Ma moitié. Elle était le chainon manquant qui habitait ma poitrine. Elle m’était indispensable au point où je ne parvenais pas à cesser d’y croire. A cesser de me dire que nous serions réparties dans la même maison. A cesser de me dire que nous vivrions cette aventure ensemble, comme nous avions bien pu vivre toutes celles auparavant.
J’étais heureuse d’être à Poudlard. J’étais heureuse d’avoir revêtu l’uniforme de l’école de sorcellerie. J’avais passé mon été à dévorer des manuels entiers, au grand damne de ma sœur ; j’avais passé une bonne partie de mes soirées, également, à râler d’être née en Octobre. Mais tu te rends compte, Scar, ça veut dire qu’on rentre un an après ! C’est pas juste ! Ma sœur avait passé son temps à lever les yeux au ciel à m’entendre mais je savais bien qu’elle avait eu tout aussi hâte que moi d’entrer à Poudlard ; peut-être pas pour les mêmes raisons, mais elle avait eu hâte quand même. Mais, en cet instant précis, je ne savais même plus si j’étais heureuse d’être ici.
Et, le verdict tomba. « Serpentard ! » Je sentis mon sang se geler. Je suivis ma sœur du regard, jusqu’à ce que nos yeux ne se rencontrent. J’haussai les épaules comme pour lui dire que ce n’était pas grave.
Mais, au fond, je me doutais bien que cela allait tout changer.
···
Les années à Poudlard me parurent longues, si longues.
Je me sentais seule, si seule.
J’avais l’impression d’être comparable à un fantôme, à un de ces fantômes du château que personne n’appréciait réellement mais qui étaient tout de même là, quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe. J’allais en classe avec mes camarades. Je passais le reste de mon temps à la bibliothèque ou en compagnie de Dimitar, un ancien de Dumstrang qui était arrivé en Angleterre au cours de la deuxième année.
J’étais une gamine marginale, oui, sans doute. C’était l’adjectif qui me convenait le mieux ; bien au-delà du fait que je sois brillante en classe, je n’avais jamais réussi, ne serait-ce qu’une seule fois, à me conformer au moule que l’on m’a imposé durant ma scolarité. Je n’étais pas faite pour les bals, pour les uniformes, pour les clubs, sauf s’il y en avait eu un sur la magie native, sans doute. Je n’étais pas faite pour sortir avec le capitaine de l’équipe de Quidditch, pour être une membre active des associations d’élèves. Cela était le quotidien de Scarlet, pas le mien.
Mais, bien au-delà de cela, je l’avais perdue, elle. J’avais perdu ma sœur jumelle, ma moitié, ma meilleure amie. Elle n’était devenue qu’une inconnue de plus dans mon existence. Je savais au fond qu’elle n’avait pas envie de voir les autres me faire des croche-pieds dans les couloirs du lycée. Je savais au fond qu’elle n’avait pas envie de voir les autres me traiter de freak devant tous les élèves de Poudlard. Je savais au fond qu’elle se sentait mal de m’infliger tout cela. Elle n’avait pas le choix. C’était le prix à payer pour avoir une couronne. C’était le prix à payer pour rester en haut. Pour rester une étoile. Cette étoile qu’elle avait toujours été dans mon cœur.
Je n’étais qu’une personne de plus à écraser. Et je la laissais faire. C’était sans doute ma manière de lui dire que je l’aimais.
Après tout, j’avais eu des lunettes. J’avais été un véritable rat de bibliothèque. Je n’avais eu qu’un seul ami. J’avais été trop maigre. J’avais porté des vêtements trop grands, j’avais vêtu des accessoires décalés approvisionnés par mon adoration des fleurs, des astres et des objets mystiques. Alors, fatalement, j’ai fait partie de cette classe ingrate qu’était celle des élèves qu’on n’aimait pas mais qu’on refusait d’oublier. Cette classe ingrate qu’était celle des élèves à qui l’on infligeait tous les maux sans avoir peur qu’ils parlent parce qu’ils avaient trop peur pour se faire entendre.
Après tout, c’était de ma faute.
Au cours de ces années à Poudlard, j’avais été victime des canulars les plus inventifs que mes camarades de classe avaient bien pu imaginer. Mes vêtements avaient pris feu. Mes cheveux avaient été décolorés. Je m’étais même retrouvée avec un vif d’or à la place du nez.
On m’avait souvent dit que traverser ce genre d’expérience rendait plus fort. Mais, la vérité, c’était qu’elles m’avaient probablement traumatisée pour le restant de mes jours.
···
« Non, je refuse ! » Il poussa un soupir exaspéré tout en levant les yeux au ciel. « J’ai dit non, Eugenia. Non. Je n’irais pas faire le guet pendant que tu vas faire un tour dans la réserv… » Ce fût à mon tour de soupirer et de lever les yeux au ciel. « T’es vraiment pas drôle, Dim. » Une gamine marginale, oui, sans doute. J’avais très vite développé une certaine soif de connaissances que j’avais peiné durant toute ma scolarité à refréner. Je voulais sans cesse en savoir plus que nécessaire. J’avais même trouvé mon sujet de prédilection : la magie native, qui me fascinait bien au-delà des frontières de l’intelligible. Je ne comptais même plus le nombre de fois où j’avais bien pu me glisser dans la réserve. J’avais déjà atterri dans le bureau de Rusard, mais je n’avais jamais réellement franchi la ligne rouge.
Je l’avais sans doute effleuré. Une ou deux fois. Voire même trois ou quatre. Mais, jamais, au grand jamais, j’avais dépassé les bornes de manière mémorable. J’y travaillais, cependant. J'y travaillais en repoussant chaque jour un peu plus les limites du raisonnable. « Je te promets que je ne mettrai pas plus de cinq minutes. Allez, cinq toutes petites minutes. » J’avais un coéquipier qui me suivait dans chacun de mes coups, oui. Un coéquipier que je gardais dans mon cœur. Un coéquipier qui n’était pas ma sœur jumelle mais qui avait fini par doucement la remplacer, au fil des années. Un coéquipier, oui, mais surtout un ami. Le seul que je pouvais bien avoir au lycée simplement parce qu’il était aussi étrange que moi.
Il venait de Dumstrang, après tout.
Il était le seul que je pouvais bien avoir en dehors de quelques connaissances, et encore, je n’étais pas tout à faire sûre qu’elles m’appréciaient.
Il était le seul, oui. Puisque je n’avais plus ma sœur jumelle.

ste-mangouste, angleterre, 1979
that’s the thing about tragedies, they only befall the pure of heart,
and darling, yours was so righteous,
even the stars mourned when you fell.

La musique me faisait mal aux oreilles. La chaleur était étouffante. Des corps dansaient autour de moi, me bousculaient, ne prenaient pas garde au reste du monde. J’avais envie de faire demi-tour, en cet instant. Repartir aussi vite que j’avais bien pu venir. Mais je ne parvenais pas à me résoudre à laisser Scarlet ici, à la laisser tomber. « Elle n’en aurait pas fait de même pour toi, » souffla Ezra dans mon esprit. Je baissai les yeux sur le loup blanc qui se frayait un chemin à mes côtés, faisant bien attention à ce que personne ne le touche par mégarde. « Arrête. Elle serait sans doute venue nous chercher. Transforme-toi en brume au lieu de jouer au contorsionniste. » Il poussa un profond soupir. Cela faisait cinq mois que nous cohabitions et j’avais beaucoup de mal à le supporter.
Mais, au fond, je savais qu’il n’avait pas tort. Que Scarlet n’aurait sans doute pas fait la même chose pour moi. Je ne cessais de me répéter qu’elle cachait ce qu’elle ressentait, que j’étais bien plus importante pour elle que ce qu’elle ne le sous-entendait, mais à mesure que les années passaient, tout paraissait incertain. Complexe. Beaucoup trop complexe.
Je finis par la retrouver et, avec insistance, je finis par l’amener à l’extérieur pour que nous puissions transplaner. Elle avait bu, sans doute trop, donc je ne lui en voulus pas d’être trop bruyante, d’essayer de me faire rester. Je ne lui en voulus pas, non. Au contraire. Je songeai à ce qui aurait pu lui arriver si je n’étais pas venue et cela me confortait dans l’idée que c’était pour le mieux que je sois venue. Que je me sois déplacée. « Ginny, » finit-elle par dire lorsque nous nous retrouvâmes devant la maison de notre mère et de notre beau-père. Aussi vite, je plaçai mon doigt sur ses lèvres pour l’inciter au silence. « Shhh, on est pas censées être debout si tard. » Je ne voulais pas qu’ils nous surprennent, non. Pas pour moi mais pour elle. Après tout, qu’avais-je fait de mal ? J’étais simplement allée chercher ma sœur à une soirée. C’était Scarlet qui aurait eu des ennuis. Et je ne voulais pas que cela se produise.
Elle ne méritait pas d’avoir des ennuis pour s’amuser.
« Je peux dormir avec toi ? » Je levai les yeux vers elle. Elle avait prononcé cette phrase dans un faux-murmure seulement après que nous nous soyons retrouvées à l’étage, juste devant la porte de chambre de nos parents. Je poussai un petit soupir. « Ok, mais tu dors vite, d’accord ? Je me lève tôt, » répondis-je avant de l’entraîner dans ma chambre. Etrangement, mon cœur battait vite, très vite, trop vite. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle me demande cela. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle y porte encore de l’importance. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle se souvienne aussi bien que moi de tout ce que nous avions bien pu vivre lorsque nous étions plus jeunes. Lorsque nous étions petites. Lorsque nous étions meilleures amies. Je commençai à me préparer pour dormir quand j’entendis sa voix. « C’est pour les cours ? » Je tournai la tête vers elle. Mes yeux glissèrent sur l’artefact native que j’avais réussi à obtenir il y a quelques années. J’avais oublié de le ranger. Je l’avais laissé sur mon bureau à découvert. Mon cœur rata un battement. « C’est un artefact très ancien, repose ça. C’est dangereux. » Mon ton avait été sévère, froid et sec. J’avais espéré pouvoir faire comprendre à Scarlet en quelques mots qu’il valait mieux pour elle qu’elle le repose, tout simplement, sans entrer dans les détails de ce que c’était. Sans faire d’histoires. Sans poser de questions. Elle ne pouvait pas savoir, après tout. Elle ne pouvait pas savoir que c’était dangereux. « Dangereux ? C’est une pipe, » déclara-t-elle. Elle riait. Elle riait. Je me précipitai vers elle lorsque je compris qu’elle ne le lâcherait pas aussi facilement. Je posai ma main sur la sienne pour l’inciter à me rendre l’objet. Elle riait. Elle riait. Elle riait. Elle ne comprenait pas. Elle avait cette insouciance exaspérante. « Scar, je suis sérieuse. Rends-le moi. » Elle continuait de rire. Et, à mesure que son hilarité augmentait, je sentais la pression monter dans ma poitrine. J’imaginais déjà le pire, oui. Parce que cette simple pipe, comme elle pouvait le dire, était sans doute plus puissant que la magie de tous les sorciers scolarisés à Poudlard réunis. « Pourquoi ? Ça m’intéresse moi aussi. Tu me le prêtes ? » Je tentai de lui reprendre, oui. Mais, étrangement, pour une personne ayant bu, elle avait encore énormément de force dans les bras. Je tirai, tirai, tirai encore. Je sentais les larmes me monter aux yeux à mesure que je prenais conscience du drame qui pouvait se produire à tout moment. « Non. Scar. Scarlet, » Mon ton n’était plus sévère. Mon ton n’était plus froid. Il était terrorisé. « Scarlet arrête. SCARLET. » Et, après quelques secondes à tirer l’une et l’autre sur l’objet, il nous échappa des mains. Et, lorsque je le vis voler vers le mur, lorsque je compris qu’il allait entrer en collision avec le crépit, je n’eus qu’une seule pensée qui résonna dans mon esprit. Nous allons mourir.
Nous allions mourir.
De toutes mes forces, dans une vaine tentative d’éloigner ma sœur, je la poussai de l’autre côté de la pièce. J’y mis toute ma crainte, toute ma terreur, toute la colère que j’avais accumulées ces dernières années. J’y mis tout ce que j’avais.
Mais je n’eus pas le temps de fuir à mon tour.
Je sentis l’onde de choc. Cette onde de choc qui me percuta dans le dos et qui descendit le long de ma colonne vertébrale. Je sentis l’onde de choc et j’entendis un hurlement s’échapper de mes lèvres.
Nous n’allions pas mourir, non.
J’allais mourir.
···
Brouillard. Réalité, songe, délire. Brouillard. Je perdais fil. Je me souvenais de paroles de chansons. Je me rappelais des mélodies. Mais une en particulier. On n’a jamais fait un cercueil à deux places. C’était notre beau-père qui l’écoutait. J’entendais encore le son grésillant de sa radio moldue entraver le son et la musique. On n’a jamais fait un cercueil à deux places. Nous étions nées à deux. J’avais toujours eu l’intime conviction, malgré les années qui venaient de se passer, que nous continuerions ensemble. On n’a jamais fait un cercueil à deux places. Nous étions nées à deux. Mais je me sentais si seule. J’avais si mal. Mais je ne sentais plus rien en même temps. Je me demandais comment elle allait. Si elle était encore vivante. Dans mon esprit, je n’entendais que son cri. Son hurlement strident. Dans mon esprit, je ne l’entendais que souffrir.
Nous étions nées à deux. Mais nous allions mourir seules.
···
« Alors… Tu dois prendre la potion violette matin et soir, à douze heures d’intervalle. C’est la potion qui contient le maléfice dans ta colonne et qui l’empêche de se diffuser. Ensuite tu dois prendre la potion verte toutes les six heures, elle masque la douleur que tu ressens. Ensuite il y a la potion rouge, qu’il faut prendre avant chaque repas, pour… » Mais je n’écoutais plus ma mère. J’observai les six fioles qu’elle avait posées devant moi. Si j’avais bien compris, j’avais quatre potions différentes à prendre plusieurs fois dans une même journée, deux de secours si jamais je venais à en oublier une. Tout cela venait se coupler à deux visites à Ste-Mangouste par semaine¬—minimum—si je venais à sortir un jour de cette chambre d’hôpital. « Vous comprenez, c’est de la magie très puissante, très ancienne… Vous avez beaucoup de chance de vous en être sortie, mademoiselle. » Beaucoup de chance. On me l’avait répété plusieurs fois. J’avais encore du mal à me dire que cela pouvait être une chance de vivre dans ces conditions. Tout aurait été plus simple si j’étais morte sur le coup. Je n’aurais pas connu la douleur que j’endurais tous les jours. Je n’aurais pas connu le fauteuil roulant. Je n’aurais pas connu ces six fioles. « … si jamais tu oublies la potion violette, mais il faut aller à Ste Mangouste dans les deux heures qui suivent. Et voilà. C’est pas si compliqué. Je t’ai tout noté sur ce parchemin. » Mes yeux fixaient toujours les six fioles. Six. De six couleurs différentes. Ils avaient fait exprès, afin que j’évite de les confondre. « Ca va ma chérie ? » Je revins sur Terre. Je levai les yeux vers elle avait d’hocher la tête. « Tu peux aller me chercher un Chocogrenouille s’il te plait ? » demandai-je. Et, comme depuis deux mois maintenant, elle accepta sans l’ombre d’une hésitation. Parce que, désormais, c’était comme ça. Elle ressentait tellement de pitié pour sa fille qu’elle réalisait ses moindres désirs. En l’espace de deux minutes, elle s’en alla, me laissant seule en compagnie de Scarlet. Elle était aussi silencieuse que moi. Je me demandais où son esprit l’emmenait. Sans doute pas au pays des six fioles différentes. « Ca te dit on se partage mes potions ? Ca fait deux obligatoires et une de secours chacune. On est jumelles, ça devrait le faire. » Je lui adressais un petit sourire en coin. Je n’allais pas bien, non. Il ne se passait pas une seule journée sans que je ne me demande ce que je faisais encore là. Il ne se passait pas une seule journée sans que je ne songe que j’aurais mieux fait de mourir ce jour-là. Mais je n’avais pas le droit d’infliger mes pensées à Scarlet. Pas quand j’étais capable de sentir sa culpabilité par sa simple présence dans ma chambre d’hôpital.
Elle s’en voulait. Elle s’en voulait jusqu’à se détester. Elle s’en voulait jusqu’à ne plus en dormir la nuit. Elle s’en voulait, oui.
Mais ce n’était pas de sa faute. « C’est pour ton bien, Ginny, » me répondit-elle. J’haussai les épaules. « Je ne suis pas convaincue. Je suis sûre qu’ils veulent juste que j’ai constamment envie de faire pipi. » Elle ne rit pas à ma blague.
J’entendais encore son rire, lorsque je lui avais dit que l’artefact qui avait causé notre accident était dangereux.
C’était sans doute la dernière fois qu’elle avait ri.
Je sortis de l’hôpital deux mois plus tard. Scarlet continua de s’en vouloir. Je continuai de lui répéter, matin, midi et soir que ce n’était pas de sa faute.
Et je pris mes quatre potions différentes plusieurs fois dans chaque journée en respectant les intervalles demandés. Je n’avais pas le choix, après tout. C’était pour mon bien.

londres, angleterre, 1979-1983
whenever you feel the weight of the darkness in this world, do not be afraid.
the shadows can never truly overtake you.
they need you to survive.

« Je te déconseille de t’approcher de ce hochet tortue. » Je levai la tête vers l’homme qui venait de prononcer ces paroles. J’esquissai un sourire, notant l’ironie de la situation. Je me trouvai dans un Musée londonien moldu, qui recevait une exposition temporaire sur les objets et la culture natives. Ils ne se doutaient pas de la puissance que renfermaient réellement certains de ces artefacts ; s’ils décrivaient leurs pouvoirs comme étant des légendes, ils renfermaient tout de même une grande part de vérité dans leurs textes.
Sans doute parce que les légendes natives étaient réelles.
Je passais mes journées à cela, désormais. Lire. M'informer. Si la magie native était ce qui m'avait coûté mes jambes, je ne parvenais pas encore à faire le deuil de ma passion. Pire encore. Elle s'était réveillé comme une flamme dans ma poitrine. Je ne réussissais pas à me dire que c'était ce qui avait causé ma perte. Que, si j'avais été comme tous les autres, je n'aurais jamais eu d'artefact dans ma chambre et Scarlet n'y aurait jamais touché. Mais je ne parvenais pas à me dire que cette magie était foncièrement mauvaise.
Je la trouvais belle, après tout. Si belle.
L’homme à mes côtés était grand. Il avait les traits fins, une barbe qui lui mangeait les joues. Le teint pâle et les cheveux foncés, il avait un air maladif, mais j’étais plutôt mal placée de penser une telle chose parce que je n’étais pas mieux de mon côté. Il avait sans doute fait cette remarque pour rire, amusé que je me sois approchée d’un objet décrit comme dangereux. Il ne se rendait pas compte à quel point ses mots étaient importants. Il ne se rendait pas compte à quel point il était juste dans son ironie. « Je ne vais pas m’y risquer. Il est capable de bien plus qu’il n’en a l’air. » Un sourire flottait sur mes lèvres. Mes mots n’auraient probablement pas grande importance pour lui. Il ne se rendait pas compte, non. Il ne se rendait pas compte de la dangerosité de l’objet qui nous faisait face. De sa magnificence. Je l’entendis pousser une petite exclamation sourde. « Parfois, la vérité est bien pire que ce que l’on peut lire sur des textes descriptifs dans un musée. » Je fronçai légèrement les sourcils avant de lever de nouveau la tête vers lui. J’avais l’intime conviction qu’il n’y avait que deux choix qui s’offraient à moi : soit il était aussi féru de culture native que moi, soit il était également sorcier. « Je le sais. Croyez-moi, je le sais. » Je baissai les yeux sur mon fauteuil.
Et, au fil des mots, au fil de la conversation, je compris qu’il était sorcier.
Il s’appelait Eachan Reid.
···
J’avais entendu les médicomages dire, à ma mère, que j’étais en dépression réactionnelle.
Dépression réactionnelle.
Ils lui avaient parlé des symptomes. Tristesse. Pleurs. Manque de confiance en soi. Sentiment d’inutilité. Conduite d’échec. Sommeil refuge. Troubles de l’endormissement. Fatigue constante. Ils lui avaient assuré que c’était courant. Ils lui avaient assuré que j’étais même plutôt chanceuse de ne pas être victime d’un syndrome post-traumatique ou d’une dépression plus grave encore. Ils lui avaient glissé qu’il y avait réellement très peu de chance que je me fasse du mal. Ils lui avaient assuré que j’irais mieux, que je retrouverais le sourire, que ce n’était qu’une question de temps. Ils lui avaient même dit qu’ils m’avaient donné une potion antidépressive parmi toutes celles que j’étais censée ingurgiter.
J’aurais aimé qu’ils disent vrai. J’aurais aimé qu’il s’agisse réellement de dépression réactionnelle. Cela expliquerait tout ce qu’il pouvait bien se passer dans ma tête. Cela expliquerait tout ce à quoi je pouvais bien penser.
Je me sentais idiote. Je me sentais inutile. J’avais la sensation que l’on n’avait pas besoin de moi—à vrai dire, c’était la vérité. Je ne faisais qu’être un fantôme dans notre maison. J’attendais avec impatience le soir pour me coucher si j’avais fait l’effort de me lever dans la journée. Je passais mon temps à me plonger dans les livres, afin de les dévorer. Cela me transportait ailleurs. Cela m’emmenait loin, loin de mon fauteuil.
J’aurais aimé qu’ils disent vrai. J’aurais aimé qu’il s’agisse réellement de dépression réactionnelle. Mais, la vérité, c’était que j’étais dans cet état depuis bien longtemps.
Bien avant l’accident.
Peut-être étais-je tout simplement née triste. Peut-être n’étais-je pas faite pour être heureuse.
Peut-être.
Peut-être.
···
Je me faisais bercer. Les roulements ronronnaient au loin. Les virages étaient pris avec une précision telle que mon fauteuil ne bougeait pas d’un centimètre. J’avais l’impression que mon corps flottait tant les mouvements du bus paraissaient naturels. C’était pour cela que je le prenais toujours à la même heure. Parce que je savais quel serait le conducteur. Et qu’il n’y avait que sa conduite à lui qui était aussi plaisante.
Je me faisais bercer, oui. C’était agréable de me sentir partir. C’était agréable de laisser aller, pour une fois.
Puis, je sentis une main s’agripper à mon doigt et j’ouvris brusquement les paupières. Mon cœur sembla s’arrêter dans ma poitrine ; il repartit une demi-seconde plus tard, lorsque je reconnus le visage de la personne qui se trouvait face à moi. « C’est le terminus. » Je mis quelques instants avant de comprendre ce qu’il venait de dire. Puis, j’observai autour de moi et réalisai qu’il faisait nuit, désormais. Et que nous étions bien loin de chez moi. Je sentis mon sang se glacer tandis que mon esprit listait toutes mes options. Repartir dans l’autre sens. Envoyer un hibou express à ma mère. Attendre de mourir au bord du trottoir. « Tu habites dans le centre ? » me demanda alors le chauffeur du Magicobus. Je finis par hocher la tête. Cela ne fit que me rendre compte que j’étais bien loin d’être rentrée. « Attends-moi là. » Et il s’en alla. Je le suivis des yeux jusqu’à ce qu’il sorte et disparaisse de mon champ de vision. Je restai là, silencieuse, me rendant compte que je ne lui avais pas encore décroché ne serait-ce qu’un seul mot. J’étais ainsi, après tout. Malgré l’air concerné qui flottait sur ses traits, cela ne semblait pas me suffire pour que je puisse lui faire confiance. Malgré l’implication certaine qu’il semblait avoir vis-à-vis de mon bien-être, cela ne semblait pas me suffire pour l’accepter dans ma bulle.
J’étais sans doute ingrate.
Il finit par revenir alors que je fouillai dans mon sac pour trouver une plume et du parchemin. Je vis briller un objet métallique dans sa main. Je fronçai les sourcils. « Si je peux faire quoi que ce soit, dis-moi. Mon ami vient de me confier sa voiture. Je sais que ça va paraître un peu bizarre, mais je peux te ramener si tu veux. » Je perçus comme un manque d’assurance, comme l’ombre d’une hésitation dans son regard. Je l’analysai de mes yeux verts, tentant de scanner le moindre indice qu’il pourrait laisser échapper. « Moi c’est Pablo, » me dit-il. Et, malgré son manque d’assurance, malgré son hésitation, je finis par pousser un soupir, un sourire en coin sur les lèvres. « Ginny. » J’avais dit mon premier mot. Mon prénom. Il ne s’en rendrait probablement pas compte, mais cela signifiait beaucoup pour moi. « Tu as un moyen de contacter un proche ? » Je secouai la tête. « Ma sœur est probablement encore à Poudlard à cette heure-là… et je ne peux pas envoyer de patronus, de toute façon. » Wakinyan sauta sur mes genoux. Je l’entendais marmonner dans un coin de ma tête, quelque chose qui devait ressembler à un « t’auraispasdûluidire » et à un « gngngn » et je décidais de l’ignorer. « Je te laisse réfléchir au chaud. Le bus ne part pas maintenant de toute façon, » dit-il alors qu’il semblait repartir et je l’interrompis. Etrangement, je ne voulais pas qu’il me laisse. Etrangement, je ne voulais pas qu’il s’éloigne. Malgré toute la méfiance qui pouvait m’animer, je me sentais en sécurité. « J-Je … J’imagine que j’ai pas trop le choix, » dis-je en haussant les épaules. « On est loin du centre ? » Je ne voulais pas qu’il s’éloigne. Je ne voulais pas qu’il me laisse. Mais une part de moi me répétait qu’il avait sans doute mieux à faire. Mais une part de moi me répétait qu’il fallait se méfier. Mais une part de moi cherchait quand même un moyen de lui échapper alors que ma tête, elle, était apaisée en sa présence. « En voiture, on peut y être en une petite demi-heure, » répondit-il. Je poussai un soupir et il ne se laissa pas attendre. « Mais je connais un raccourci. » J’esquissai un sourire amusé, amusé et timide. Alors, j’acceptais. Alors, j’acceptais de me laisser raccompagner par le chauffeur du Magicobus, ce chauffeur qui conduisait si bien, ce chauffeur qui me donnait l’impression d’être saine et sauve.
Peut-être l’étais-je. Je n’en savais trop rien. Mais, assise dans la voiture qu’il avait conduit pour me raccompagner chez moi, je m’étais surprise à l’observer plusieurs fois en me demandant comment il faisait. Comment il faisait pour baisser mes barrières pourtant si hostiles quand elles concernaient les autres.

poudlard, écosse, 1983-1984
she is the lightning of the storm,
her power makes the earth below cower in fear.
go ahead and run.

On nait, on vit, on meurt. On appelle ça le cycle de la vie. Tout le monde finit par s’y faire—du moins, la plupart du monde. On nait, on vit, on meurt. Cela parait si simple, dit comme cela. La vérité, c’est que l’existence humaine est des plus banales. Du moins, pour la plupart du monde.
On nait, on vit, on meurt.
Je suis née. J’ai vécu. J’ai failli mourir.
On nait, on vit, on meurt.
Dans mon cas, j’ai plutôt l’impression que cela se décline autrement. On nait, on survit, on meurt.
Parce que je ne vis pas, non. Je survis.
Pas assez courageuse pour vivre, ni même pour mourir.
J’avais fini par retourner à Poudlard. Par rejoindre les bancs de l’université. J’avais fini par prendre mon courage à deux mains, entraînée par mon petit frère qui avait fait sa rentrée en septembre. On m’avait dit que cela me ferait un bien fou. On m’avait dit que cela m’aiderait. Mais, la vérité, c’était que l’année allait bientôt s’achever et je n’avais pas l’impression que cela ait changé quoi que ce soit. J’étais toujours handicapée, après tout. J’étais toujours Ginny la Freak sauf que, désormais, personne n’osait plus me le dire en face. J’étais toujours celle que j’étais ; les médecins, mes parents, mes frères et sœurs, tous m’avaient menti.
Je n’allais pas mieux, non.
Mais je n’allais pas pire non plus.
On nait, on vit, on meurt.
Mes journées se passaient toutes de la même manière. Je me levais. J’allais déjeuner. Je passais un bon quart d’heures à assurer à Scarlet que j’allais bien et que je n’avais pas besoin de son aide pour aller dans ma salle de classe. J’écoutais mes cours avec plus ou moins d’attention. Je déjeunais. J’allais à la bibliothèque. Je passais de nouveau un bon quart d’heure avec ma sœur pour lui promettre que j’avais bien pris mes potions. Je retournais en classe. J’allais à la bibliothèque. Je dînais. Je retournais à la bibliothèque. Je passais la fin de soirée en compagnie de ma sœur. Un jour sur trois, je partais pour Ste-Mangouste, où l’on me faisait passer une batterie d’examens et où l’on me donnait des potions particulières.
J’avais l’intime conviction d’avoir déjà trop vécu. J’avais l’intime conviction que je n’aurais jamais dû arriver jusqu’à vingt-quatre ans. J’étais persuadée que j’étais censée mourir à l’âge de dix-neuf. J’étais persuadée que j’avais passé mon heure. J’étais persuadée que j’avais loupé le plus grand rendez-vous de toute ma vie.
J’avais survécu.
On nait, on vit, on meurt.
J’avais survécu.
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Eugenia Lancaster

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