ROSEMARY AND ASHLEY
we are stardust stories, my darling.
things like us only exist in our dreams.
Ashley se pencha au-dessus de l’une de ses copies, ses copies dispersées sur son bureau, ses copies qui ne formaient plus un tas perfectionné mais un amas de papier.
Comme l’amas de regrets qu’Ashley pouvait bien ressentir. Il lut les premières lignes rédigées par son étudiant, avant de pousser un petit soupir et se saisir de sa plume ; de son écriture aux belles lettrines et jambages soignées, il écrit un commentaire en dessous d’une absurdité sans nom.
Comme l’absurdité sans nom dans laquelle s’était plongée son existence. Il poursuivit sa lecture, l’oreille néanmoins tendue vers la chambre de Juliane.
Sa fille était couchée depuis une vingtaine de minutes, désormais. Il l’avait observé se frotter les yeux de nombreuses fois avant de la conduire jusqu’à son lit. Il avait commencé à lui lire une histoire mais s’était interrompu après que la petite se soit endormi ; il avait doucement caressé sa joue, remonté sa couverture sur elle, sourit en voyant le bout de ses cheveux devenir or à mesure qu’elle commençait à rêver. Il s’était retiré sans un bruit, sans un mot, le coeur lourd à la simple idée de ne pas avoir pu passer tout le temps qu’il aurait voulu passer avec elle.
Mais, au fond, il commençait à s’habituer à ses échecs, à ses déceptions.
Il but une gorgée de thé qui lui brûla la gorge mais, à vrai dire, il ne s’en rendit même plus compte.
Comme il ne se rendait même plus compte de la douleur de son coeur. Il continua sa correction, réfléchit quelques instants à la note qu’il allait bien pouvoir mettre au désastre devant lui.
Comme le désastre de ses choix. Comme le désastre de son existence. Alors, il finit par calligraphier un D. D, comme désolant.
Désolant.Il se gratta les joues avant de passer à la copie suivante. Il y avait cette barbe, cette barbe qu’il avait fini par faire pousser malgré lui. Cette barbe qui recouvrait la moitié de son visage, cette barbe qui n’avait jamais eu plus de quelques jours pour survivre avant qu’il ne s’en débarrasse. Cette barbe qui, désormais, mangeait ses joues, cette barbe qui, désormais, avait pris possession de son visage. Il y avait cette barbe, oui. Cette barbe qu’il n’aurait jamais eu si tout s’était passé autrement ; cette barbe qui ne semblait pas être grand chose mais qui représentait tant.
Après tout, il avait toujours tenu en horreur cette apparence qu’il trouvait négligée ; il avait toujours pris soin de lui, de l’image qu’il renvoyait. Ashley Lestrange était un homme rasé de près et aux robes de sorcier sur mesure. Ashley Lestrange était une personne distinguée et soignée.
Ashley Lestrange
avait été une personne comme cela, oui. Désormais, Ashley Lestrange ne l’
était plus.
Il se passa dix minutes, ou peut-être une heure, Ashley Lestrange n’en savait trop rien ; quelqu’un vint frapper à la porte de ses appartements et, l’espace d’un instant, il hésita à ignorer ce visiteur tardif. Puis, finalement, il se décida tout de même à se lever et ouvrir la porte.
« Salut. » Il ne sut pas vraiment s’il avait vu son visage ou entendu sa voix en premier. Non. Tout ce qui sembla compter, en cet instant, fut à quel point son coeur se serra dans sa poitrine. Fort, si fort.
Fort, si fort, comme pour lui rappeler qu’il était encore là. Qu’il battait quand même. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’il revoyait Rosemary, non. Au-delà des rares fois où ils avaient bien pu passer du temps ensemble depuis la Bataille du Complexe, ils étaient amenés à se croiser tous les jours dans les couloirs du château ; de plus, elle venait également prendre Juliane selon un emploi du temps très précis.
Il n’aurait jamais dû réagir de cette manière.
Il n’aurait jamais dû sentir son coeur battre, battre aussi vite, battre aussi fort.
Ashley ne savait pas réellement si cela était parce qu’il ne s’était pas attendu à la voir ou si cela était parce que dans la pénombre de la soirée, rien que tous les deux, il avait l’impression d’être proche d’elle. Il sentait presque la chaleur de sa peau. L’odeur de ses cheveux.
La douceur de ses caresses.
« Je sais que je n’avais pas prévu de passer ce soir. Mais je me demandais s’il était quand même possible que je borde Juliane ? » demanda-t-elle finalement. Il demeura muet durant quelques instants avant de comprendre ce qu’elle venait de dire ; pendant un moment, ses mots avaient raisonné dans son esprit, et tout ce qu’il avait réussi à penser avait été que ce timbre lui manquait. Que cette voix lui manquait.
« Elle est déjà couchée, Romy, je suis désolé, » répondit-il finalement. Et, en cet instant précis, il regretta amèrement de lui avoir dit, persuadé qu’elle ne resterait donc pas.
Pourquoi donc voudrait-elle rester, après tout ? Pour lui ? Pour eux ? Il n’en savait plus trop rien. Il n’en savait plus rien du tout.
« Mais tu peux venir la voir, si tu veux. Ses cheveux sont devenus dorés. Elle doit faire un très beau rêve. » Il s’écarta de l’encadrement de la porte pour laisser de la place à Rosemary. Il ne lui donnait pas le choix, quelque part.
Il ne savait pas très bien ce qu’il faisait, non. Les seules convictions qu’il avait concernaient ce qu’il ressentait : elle lui manquait. Beaucoup. Enormément.
Et, le temps d’un soir, il n’avait pas envie qu’elle lui échappe une nouvelle fois.